CHAPITRE XXXIV

Sur la passerelle du Chimaera, l’amiral Pellaeon regardait l’hologramme de son homologue de la Nouvelle République.

— Oui, amiral Kre’fey, je suis d’accord. Nous nous en sommes mieux tirés que nous l’escomptions. La trêve est plus longue que j’espérais.

— Je suis de votre avis, amiral. Nous mettrons ce temps à profit. La modification de notre artillerie semble très efficace. Elle a permis de neutraliser très rapidement deux petits vaisseaux. Mes techniciens travaillent sur l’adaptation de cette nouveauté à tous nos armements.

— Les miens aussi, dit Pellaeon. Vous attendez-vous à ce que les Yuuzhan Vong ne respectent pas l’accord si leur chef perd le combat ?

— Je le crains. Et si Horn est tué, mon cousin exigera une attaque immédiate. Le marché qu’a conclu Horn n’est pas très populaire par ici. De toute façon, nous devrons encore affronter les Yuuzhan Vong. J’ai quelques idées sur la question. Je vous transmets les fichiers. J’ai un vaisseau en réserve si vous pensez que nous devrons continuer dans cette voie.

— Il sera content de l’apprendre, amiral, conclut le Bothan en souriant.

Corran revissa la poignée de son sabre laser fraîchement rechargé.

— Président Fey’lya, mon petit doigt me souffle que vous n’approuvez pas mon pacte avec le chef des Yuuzhan Vong, fit Corran, sarcastique.

Le Bothan pointa sur lui un index griffu.

— Vous n’aviez pas le droit d’engager la Nouvelle République dans cet absurde duel ! Je vous le répéterai jusqu’à ce que vous compreniez, et que vous renonciez à ce marché indigne !

Les yeux verts du Jedi se durcirent.

— A vous de saisir une chose : votre opinion m’indiffère royalement ! Dois-je vous rappeler qu’à cause de votre refus de reconnaître aux Jedi la place qui leur est due, j’ai été réintégré dans les rangs de l’armée ? J’ai conclu ce marché sous l’autorité de l’armée !

— Vous n’étiez pas l’officier commandant.

— De fait, oui ! Le général Dendo était blessé.

— Vous l’ignoriez.

— Vous essayez de dire que je n’aurais pas pu le percevoir à travers la Force ?

La troisième personne présente, Luke Skywalker, fronça les sourcils.

— Corran, ce n’est pas le moment de jouer à ces petits jeux avec le président Fey’lya.

— Vous avez raison, maître. Ce n’est pas le moment de jouer. (Le Corellien regarda son sabre laser.) Président Fey’lya, vous avez oublié notre histoire commune. Il y a près de quinze ans, vous m’avez déjà interdit de faire une chose. J’ai démissionné de l’armée de la Nouvelle République, avec le reste de l’Escadron Rogue, et nous avons accompli notre mission. Considérez que l’histoire se répète et que je démissionne de nouveau de l’armée. Vous n’avez plus aucune autorité sur moi.

Fey’lya se tourna vers Luke.

— Maître Skywalker, ordonnez-lui d’abandonner ce duel !

— Non.

— Les Jedi approuvent ce combat ?

— Dans une semaine, je descendrai sur Ithor pour être le témoin de Corran.

— Donc, les Jedi s’arrogent le droit de décider du sort d’Ithor ?

Le ton sournois de Fey’lya fit bouillir le sang de Corran.

— Il a raison, maître ! Les Jedi ne peuvent pas se laisser piéger ainsi. Je démissionne de l’Ordre.

— Impossible.

— Alors, virez-moi ! Il y a des passages du Code des Jedi auxquels je ne crois pas, et ces robes m’exaspèrent. Voilà de l’insubordination ! Fichez-moi dehors.

Le maître Jedi secoua la tête.

— Ce que vous ne comprenez pas, président Fey’lya, c’est que Corran a agi pour préserver la Vie. Même s’il perd, que pèsera son existence comparée aux personnes que nous aurons évacuées d’Ithor ? Une famille pleurera, pas des centaines de milliers ! Et quand il gagnera, Ithor sera tirée d’affaire. Les Yuuzhan Vong sauront alors qu’une invasion ne sera pas de tout repos pour eux.

Visiblement, le Bothan ne comprenait toujours pas. Tout ce qui l’intéresse, c’est comment faire tourner les événements à son avantage.

— Ce combat est le mien, insista Corran. Perdre n’étant pas une option, je gagnerai.

— Si vous perdez, on se souviendra de vous comme d’un autre Thrawn ou de Dark Vador !

— Si je perds, président Fey’lya, Ithor disparaîtra dans le bain de sang qui suivra. C’est précisément pour l’éviter que j’ai défié Shedao Shai en duel. Préserver la vie et la liberté, voilà les seules raisons valables de se battre. En leur nom, je gagnerai.

Anakin regarda par la verrière du poste médical. Daeshara’cor était étendue sur un lit, couverte jusqu’à la gorge par un drap blanc. Elle respirait encore, mais son souffle était de plus en plus heurté.

Derrière son fils, Leia murmura :

— Tu n’es pas obligé d’entrer.

Je n’en ai pas envie, mais je le dois.

— Elle a demandé à me voir.

— Veux-tu que je vienne avec toi ?

— Non. Mais j’aimerais que tu…

— J’attendrai ici.

— Merci.

Anakin écrasa une larme et entra dans le poste médical. Il approcha du lit où gisait Daeshara’cor et posa une main sur le poignet de la T’wilek, caché par le drap.

Elle sursauta, ouvrit les yeux… Après une joie fugitive, l’épuisement reprit le dessus.

— Anakin…

— Bonjour. Comment vous sentez-vous ? (Il ferma les yeux.) Je suis idiot !

— Ne vous en faites pas. Le venin…

— Corran a été mordu. On l’a sauvé.

— Les réactions d’un corps humain… diffèrent de celles des Twi’lek. (Elle sortit sa main de sous le drap pour serrer celle d’Anakin.) On ne peut plus rien pour moi. J’agonise…

— Non ! C’est impossible ! Ce n’est pas juste ! Pas vous aussi, après…

— Chewbacca ?

Anakin sentit ses genoux se dérober. Il s’écroula sur une chaise, à côté du lit. Se couvrant le visage avec les mains, il sentit Daeshara’cor lui caresser les cheveux.

— J’ai commis une erreur et il est mort. J’en ai commis une autre, et vous êtes en train de mourir !

— La mort n’existe pas… Seule existe la Force.

Il leva un regard brouillé de larmes vers elle.

— Malgré tout, ça fait mal !

— Anakin… Je voulais que vous sachiez… Même si ma vie est en train de s’échapper, je n’aurais rien voulu changer… Et Chewbacca non plus.

— Comment pouvez-vous dire ça ?

Elle lui caressa une joue.

— Il est mort… et je vais mourir… au service de la Vie. Vous m’avez sauvée du Côté Obscur. Et je vous ai aussi sauvé, pour que vous puissiez continuer à servir la Vie et la Force.

Il posa une main sur celle de la Twi’lek.

— Je ne serai jamais un aussi bon serviteur que Chewie ou vous.

Daeshara’cor eut un pauvre sourire.

— Vous l’êtes déjà, Anakin, et vous deviendrez encore meilleur. Quand vous guérirez, vous serez plus fort que jamais. Nous sommes fiers de vous, si fiers…

Sa voix mourut avec son sourire quand la vie abandonna son corps.

Anakin pressa la main de la Twi’lek contre son visage. En vain. Le contact se fit plus léger.

Il la regarda devenir transparente, puis immatérielle.